Au fil des recherches que je menais pour caméra(auto)contrôle, l’exposition centrale des derniers 50JPG (2016), s’est développée en moi une angoisse grandissante à force de découvrir l’énorme ignorance qui est la nôtre face aux industries de collecte de nos datas et leurs liens avec les administrations gouvernementales. Les possibilités de contrôle des citoyens, voire de leurs opinions, n’ont cessé d’augmenter entretemps et les états mettent de plus en plus de législations en place, qui permettent à de futurs régimes autoritaires de nous contrôler au-delà de ce que George Orwell aurait pu s’imaginer avec sa dystopie 1984.
 
Trois mois avant le vernissage, trois amis me parlaient séparément d’astrophysique, à moi qui n’ai jamais rien compris aux mathématiques, à la physique, voire à l’astrophysique. L’un d’eux est théoricien, Jordi Vidal, l’autre musicien, Vincent Hänni et le troisième, Charles Ganz, actif dans le marketing d’architecture. Ignorant complet de ces univers, j’étais fasciné par l’aspect fictionnel des différentes théories en cours, que ce soit par exemple la théorie des cordes ou celles des mondes parallèles. Ces fictions scientifiques, basées sur la rationalité– celle qui nous a sorti de la superstition, voire des religions surtout monothéistes – dégageaient une bonne humeur qui m'a transporté jusqu’au vernissage. J’ai d’ailleurs retrouvé cet enthousiasme débordant avec Andrew Strominger qui remarquait lors de sa conférence portant sur l’interface encore mystérieuse entre la gravitation et la mécanique quantique, que nous vivions un moment extraordinaire dans le domaine de la physique, contaminant son public avec son enthousiasme. C’était à l’occasion du colloque Wright à l’université de Genève, Gravity, Universal attraction, qui chaque soir faisait salle comble dans la deuxième semaine de novembre 2018.
 
C’est un plaisir de partager avec tant de terriens le regard levé vers le ciel, non pas pour voir Dieu, mais pour peut-être découvrir l’explication scientifique des débuts de notre cosmos, l’explication d’où nous venons. (Et la question qui s’impose implicitement à savoir où nous allons). Quand je m’interroge sur ce que chacun de nous, le regard tourné vers les astres, espère de son observation, je suppose que les réponses doivent être égales en nombre aux étoiles de la voie lactée. Mais une chose est évidente, et tous  ne sont pas prêts à l’admettre, surtout ceux qui se voient quitter la terre d’ici 20 ans : nous n’avons qu’une terre et il va falloir faire avec.
Jordi Vidal attirait mon attention sur un livre sorti en 2014 dans la collection « encre marine » d’Alexei Grinbaum: Mécanique des étreintes. Ce philosophe et théoricien de la physique quantique tisse un arc de la philosophie grecque à la théologie chrétienne jusqu’à la mécanique quantique, interrogeant comment il peut se faire que l’on prenne deux entités pour une seule. Il ne cesse d’employer des mots que nous utilisons autant pour l’érotisme que pour la cosmologie. Les exemples sont nombreux : la force d’attraction des corps, les noces quantiques, la fusion de deux entités. Alexei Grinbaum rapporte aussi « qu’à la sortie d’Eden, Adam et Eve souhaitent se mettre d’accord sur les réponses à donner lors de leurs interrogations futures. L’accord qu’ils signent n’est rien d’autre, métaphoriquement, qu’un acte ‹ caché › de coordination comme il est décrit par la théorie hérétique d’Einstein dite de ‹ variables cachées locales ›»[1].
Le mathématicien Edward Frenkel dans son livre Amour et maths décrit le film Rites d’amour et de mort, réalisé et interprété par l’écrivain Yukio Mishima à partir d’une de ses nouvelles : « Un mathématicien parvient à écrire une formule de l’amour. Mais il découvre bien vite son revers : elle peut être utilisée pour le meilleur comme pour le pire. Il comprend dès lors qu’il doit la cacher pour éviter qu’elle ne tombe entre de mauvaises mains. C’est pourquoi il décide de la tatouer sur le corps de la femme qu’il aime... »[2].
 
Si Amour et Éros tiennent aujourd’hui relation avec les mathématiques et la physique quantique, Éros a une relation avec Cosmos déjà depuis le temps de la Grèce antique. Jean-Pierre Vernant dans L’Univers, les Dieux, les Hommes décrit la naissance du Cosmos ainsi : « Au tout début, ce qui exista en premier, ce fut Béance; les Grecs disent Chaos. (…) C’est un vide, un vide obscur où rien ne peut être distingué. (…) Ensuite apparut Terre. Les Grecs disent Gaïa. C’est au sein même de la Béance que surgit la Terre. »
 
« Après Chaos et Terre apparaît en troisième lieu ce que les Grecs appellent Éros qu’ils nommeront plus tard ‹ le vieil Amour ›, représenté dans les images avec des cheveux blancs : c’est l’Amour primordial. (…) Cet Éros primordial n’est pas celui qui apparaîtra plus tard avec l’existence des hommes et des femmes... »
 
« Terre enfante d’abord un personnage très important, Ouranos (…) de même taille qu’elle. Il est couché, vautré sur elle qui l’a engendré. Il (…) recouvre moment où Gaïa, divinité puissante, Terre mère, produit Ouranos qui est son répondant exact, sa duplication, son double symétrique, nous nous trouvons en présence d’un couple de contraires, un mâle et une femelle. Ouranos c’est le Ciel comme Gaïa c’est la Terre. »
 
« Ouranos primordial n’a pas d’autres activités que sexuelle. Couvrir Gaïa sans cesse, autant qu’il le peut : il ne pense qu’à cela, et ne fait que cela. Cette pauvre terre se trouve alors grosse de toute une série d’enfants qui ne peuvent pas sortir de son giron, qui restent logés là-même où Ouranos les a conçus. Comme Ciel ne se dégage jamais de Terre, il n’y a pas d’espace entre eux qui permettrait à leurs enfants, les Titans, de sortir à la lumière et d’avoir une existence autonome (…)» et « (…) il y a une nuit continuelle en s’étendant sur Gaïa. Terre donne alors libre cours à sa colère. (…) Elle s’adresse (…) spécialement aux Titans, en leur (…) demandant: ‹ Vous devez vous révolter contre votre père ›. (…) Terre (…). fabrique à l’intérieur d’elle-même (…) une serpe (…) qu’elle façonne de blanc métal acier. Elle place ensuite cette faucille dans la main du jeune Cronos. (…) Alors qu’Ouranos s’épanche en Gaïa, il attrape de la main gauche les parties sexuelles de son père, les tient fermement, et, avec la serpe qu’il brandit de la main droite, les coupe. (…) De ce membre viril, tranché et expédié en arrière, tombent sur la terre des gouttes de sang, tandis que le sexe lui-même est projeté plus loin, dans le flot marin. Ouranos, au moment où il est châtré, pousse un hurlement de douleur et s’éloigne vivement de Gaïa. Il va alors se fixer, pour n’en plus bouger, tout en haut du monde. (…) En castrant Ouranos, (…) Cronos réalise une étape fondamentale dans la naissance du cosmos. Il sépare le ciel de la terre. (…) À partir du moment où Ouranos se retire, les Titans peuvent sortir du giron maternel et enfanter à leur tour. S’ouvre alors une succession de générations »[3].
 
Le membre d’Ouranos jeté par Cronos dans la mer, « surnage, flotte et l’écume se mélange à l’écume de la mer. De cette combinaison écumeuse autour du sexe, qui se déplace au gré des flots, se forme une superbe créature : Aphrodite, la déesse née de la mer et de l’écume. (…) Dans le sillage d’Aphrodite, s’avançant à sa suite, Éros et Himéros, Amour et Désir. Cet Éros n’est pas l’Éros primordial, mais un Éros qui exige qu’il y ait désormais du masculin et du féminin. On dira parfois qu’il est le fils d’Aphrodite. Cet Éros a donc changé de fonction. Il n’a plus [le même] rôle comme au tout début du cosmos (…). Son rôle,  à présent, est d’unir deux êtres bien individualisés, de sexe différent, dans un jeu érotique qui suppose une stratégie amoureuse avec tout ce que cela com- porte de séduction, d’accord, de jalousie. (…) Éros (…), c’est l’accord et l’union de ce qui est aussi dissemblable que peut l’être le féminin du masculin »[4].
 
Éros joue dans la mythologie grecque un rôle de première importance lors de la constitution du cosmos. Éros est aussi décrit par Jean-Pierre Vernant comme la force toujours en mouvement, un peu à l’exemple du cosmos qui ne cesse de s’épandre. Si Éros a la réputation dans sa première phase d’être un entremetteur, par exemple d’inciter Ouranos à s’accoupler avec Gaïa, l’exposition OSMOSCOSMOS tente par les images photographiques et vidéographiques une approche d’Éros et de cosmos, ou pour le dire plus modestement, de rapprocher des images traitant de l’érotisme de celles renvoyant au cosmos, et vice et versa.
 
La seule image non photo- ou vidéographique dans l’exposition est une abstraction : Cosmic Fuck de Lee Lozano. Ce dessin, construit par l’artiste à partir du symbole de l’infini, tient en lui ce dont l’exposition ne peut rendre visuellement compte : ce moment de haute exaltation dans l’union érotique, entre deux êtres, au sommet de l’ultime excitation, ce moment de jouissance partagée qui nous fait sentir un court instant d’éternité en osmose avec l’autre, en fusion avec le cosmos.
 
Les photographies et vidéos, par leur force descriptive, garderont un caractère allusif, comparé à la précision du dessin de Lee Lozano qui propose une représentation de l’osmose érotique. N’est-ce pas l’allusion qui marque, entre autres, la différence entre érotique et pornographique, le dernier ayant l’ordre de donner tout à voir ? L’imaginaire érotique s’est vu enrichi d’un grand nombre de nouveaux imaginaires érotiques et sexuels depuis les années 1970. Ce sont mes années de formation, sexuelle et intellectuelle. La lutte pour l’autodétermination sexuelle pour de très larges couches sociales du monde occidental s’est jouée dans ces années-là et constitue sûrement un marqueur du siècle passé. L’exposition OSMOSCOSMOS est en ce sens une tentative de tracer des lignes depuis les années qui ont suivi le « Summer of love » de 1967 jusqu’à aujourd’hui et de célébrer le désir sexuel hors de toutes les idéologies de la souffrance et de la culpabilité, imposées violemment par les religions monothéistes, tout comme la réaction à leur oppression, qui ne s’avère pas plus libératrice, telle que le Marquis de Sade et ses défenseurs.
Ce qui s’est joué à ce moment dans l’art contemporain et dans la société, un possible renversement du patriarcat, a commencé par la lutte pour les droits civiques, pour les égalités, entre femmes et hommes, entre femmes et femmes, entre hommes et hommes et pour le respect des enfants. Pour OSMOSCOSMOS, les artistes de ces années forment le point de départ d’une grande diversité à figurer Éros, incluant aussi la critique des pratiques de représentations misogynes qui naissent au même moment, comme les entreprises éditoriales à succès mondial de Playboy ou Lui[5] dont des artistes démasquent les apparences genrées et passent par-dessus bord les rôles codés du « masculin/féminin » [6].
 
L’érotisme n’est pas devenu un –isme du XXe siècle comme Duchamp l’avait souhaité, mais il continue à nourrir la production de l’art du XXIe siècle. Bien sûr, les enjeux ne sont plus définis par la question de montrer ou ne pas montrer. Rien de plus subversif dans l’art des années 50 et 60 que l’exhibition de photographies pornographiques (de Lebel à Richter et Warhol, en passant par à peu près tous les artistes intéressants de ces années-là). Seulement, la pornographie est devenue le commerce le plus lucratif sur internet (une performance radiographique abordera cet érotisme-là dans l’exposition). Récemment invité pour un jury dans une école de photographie, j’ai relevé comment les étudiants ont présenté leurs travaux collectivement pour mettre en avant leurs mondes parallèles et surtout leur attention à travailler ensemble. Un petit groupe avait choisi le terme « Obscène». Tous les objets et images présentés, en format miniature n'avaient rien d’obscène, il s’en faut, sinon peut-être quelque chose d’allusivement érotique. Persuadé d’assister à un malentendu, je menai la discussion vers le pornographique et il s’avéra que ces jeunes femmes et hommes autour de 25 ans avaient grandi avec la pornographie sur internet et n’en voulaient absolument plus rien savoir.
Il y a peut-être dans la constante transgression des codes moraux durant le XXe siècle un moment d’implosion de la transgression vers la fin du siècle. Comme dit l’écrivain Alain Robbe-Grillet, « la pornographie, c’est l’érotisme des autres ». 1989 est l’année de la célébration des 200 ans de la révolution française, qui donnait aussi le cadre à l’exposition Magiciens de la Terre. Cette année-là, la députée du premier parti vert italien, puis du parti radical, Ilona Anna Staller, s’est mise en scène dans LA scène, celle de la pénétration. Ces photographies de Cicciolina avec l’artiste post-pop Jeff Koons montrant tout, appartiennent à la série Made in Heaven (encore un essai de marier Éros et cosmos !). Elles firent scandale à la Biennale de Venise. La question de « montrer ou ne pas montrer » semble aujourd’hui avoir perdu tout intérêt. La question contemporaine tient beaucoup plus du « comment montrer ». Comment produire d’autres images que celles marquées par les codes de représentation du patriarcat et du colonialisme ?
 
Une très importante partie de l’exposition peut être vue comme une poursuite des chemins engagés par les artistes des années 1970/80. Grâce entre autres à #metoo, les questions d’émancipation des hommes et des femmes, de leurs conditions de dominants/dominés, nourrissent heureusement beaucoup les débats d’aujourd’hui. OSMOSCOSMOS se fait entre autres l’écho de ce réveil du féminisme et des questions propres aux genres. Mais tous ces aspects thématiques ne sont que de minuscules fragments d’un tout difficilement saisissable. Déjà les deux thèmes, Éros et cosmos, sont à peu près inépuisables. La construction de l’exposition n’a pas suivi de listes d’artistes ou d'index thématiques. Elle est beaucoup plus le résultat d’une déambulation mentale et physique de ces trois dernières années, avec des images glanées à la manière dont Mona glane dans le film Sans toit ni loi. C’est une juxtaposition de mondes parallèles, pas nécessairement destinés à se retrouver sous le même toit, sous la même loi.
 
Si OSMOSCOSMOS ne s’aventure pas sur les traces de l’exposition Éros des surréalistes[7], elle ne cherche pas non plus de la parenté du côté des avant-gardes des années 20, avec par exemple le livre Peinture, Photographie, Film dans lequel László Moholy-Nagy juxtapose des photogrammes abstraits et des radiographies ou de la photographie astronomique.
 
Dans l’astrophotographie, de grands changements ont aussi eu lieu mais des changements d’une autre nature, grâce principalement à la photographie assistée par ordinateur. Si l’avant dernier moment fort dans nos rapports extraterrestres était l’atterrissage d’une sonde chinoise sur la « Dark Side of the Moon », la dernière fut la première preuve photographique d’un trou noir, sans être encore de la photo- graphie dans le sens d’enregistrement de photon. Ce ne sont plus des rayons de lumière, mais des vagues sonores provenant de 53 millions d’années lumière, qui ont été enregistrées, puis interprétées par Katie Bouman. C’est elle qui avait développé l’algorithme au MIT qui a permis de coordonner toutes les données récoltées par les 8 radiotélescopes partout dans le monde pour donner l’image que nous avons vue récemment, celle du premier trou noir au cœur de la galaxie M87.
 
OSMOSCOSMOS n’aura pas recours à la photographie scientifique. La plupart des images faisant allusion au cosmos sont des artefacts des photographes et artistes. Les images sont sorties de leur imaginaire et non pas du Hasselblad d’un cosmonaute. Seule une projection résumera avec des unes de magazines et de journaux la conquête de l’espace voisin de la terre et une photographe amateur-astrologue de Buenos Aires, ainsi que deux amateurs astro-photographes genevois, présenteront grâce aux grands changements dans la prise de vue, aux images numériques et à leur potentialisation par ordinateur, une partie de leur récolte, dont une galaxie qui a été découverte par l'un d'entre eux. Deux artistes affirmés montrent des photographies scientifiques qu’ils se sont appropriées dans certains corpus scientifiques. L'exaltation des avant-gardes des années 20 pour le regard vers le tout-près ou le tout-loin trouve peut-être aujourd’hui son équivalent dans des démarches d’ordre géostratégique telles que Trevor Paglen les met en scène, surtout à l’occasion de ses conférences. Sa façon de lire notre firmament à l’ère des drones et des satellites est une position salutaire, avec son aspect offensif à un moment de l’histoire, déjà décrite, où l'industrie du contrôle est d’une incommensurable puissance, accélérée entre autre par des injections de milliards de dollars suite aux attaques sur les Twin Towers à New-York, qui justifièrent le Patriot Act. On connaît la suite.
 
Le dispositif d’exposition est réalisé par Alexandra Schüssler, co-curatrice d’OSMOSCOSMOS. Les salles sont plongées dans une semi-obscurité, éclairées seulement par les images fixes et en mouvement et par l'illumination des vitrines, où sont présentées des photographies imprimées, que ce soit des fine-art prints, des livres ou des photographies de presse. Cette stratégie du montage dans des vitrines ou sur les murs avec projection reconnaît sa dette envers Aby Warburg. L’historien d’art et des civilisations mis à l’écart durant le XXe siècle et si prisé au XXIe siècle, a beaucoup travaillé avec des copies, « l’expérience de l’authenticité » est chez lui remplacée par une « expérience du sens ». En ce sens, OSMOSCOSMOS mise comme toutes les expositions du CPG sur l’« expérience du sens ». Elle est un atlas aux constellations les plus subjectives, invitant le regardeur à construire son propre cosmos.
 
Aby Warburg à la fin de sa vie, a pu réaliser un rêve pour un rien grâce à son ambition subjective. Dans l’ancienne tour d’eau (Wasserturm) du « Stadtpark» à Hamburg-Winterhude, en voie d’être transformée en un planétarium de 1926 à 1930, il a pu montrer en 1930 une exposition à partir de sa bibliothèque astronomique/astrologique qui y est restée installée jusqu’à aujourd’hui. Il est dit que sa bibliothèque astrologique est la plus grande (du globe, de la terre, du monde – SVP cocher le mot adéquat). Nous n’avons malheureusement pas pu suivre son intérêt ni pour les cosmologies extra-européennes ni pour l’astrologie. Non pas par manque de désir, au contraire, mais tout simplement par manque d’espace, de moyens et de temps.
Nous sommes très reconnaissants aux artistes d’avoir accepté de jouer le jeu et d’avoir modifié la nature de leurs photographies, que ce soit leur nature matérielle ou leur format. C’est grâce à leur adhésion au projet expositif que OSMOSCOSMOS peut proposer des constellations d’images qui composent un cosmos, voire un atlas, très subjectif. Certains choix d’image en revanche n’ont pu être suivis, du fait du refus de certains artistes d’accepter les conditions du dispositif proposé.
Les distances, de toutes sortes, restent une déterminante dans un monde qui se dit globalisé. En ce sens, OSMOSCOSMOS est l’occasion de retrouver des artistes qui ont travaillé dans le passé avec le CPG, un tiers en tout. Par ce biais nous suivons aussi une autre ligne souterraine de la programmation du CPG, celle qui consiste à montrer une même image dans différentes expositions, pour en proposer différentes lectures possibles. Nous avons aussi repris l’esprit du catalogue dynamique, c'est-à-dire qu'à part la publication que vous tenez en main, il y a aussi une possibilité de suivre l’exposition sur le blog, avec des textes et des images qui réagissent à l’exposition une fois montée, sous la rédaction de Sébastien Leseigneur.
Néanmoins, malgré les manques d’espace et autres, il reste de la place sur cette page pour inclure ces quelques lignes, rappelant que d’autres modes de vie, d’autres spiritualités réunissant Éros et cosmos, habitent la planète sur laquelle vous êtes debout en lisant ces lignes. Michel Onfray écrit dans son livre Les Bûchers de Bénarès – Cosmos, Éros et Thanatos : [Dans l’art érotique indien] le sexe y est simple, naturel, en rapport avec le cosmos, jamais séparé du réel, du monde, de la vie, des autres, toujours là pour rap- peler la liaison entre les parties et le grand tout »[8]. Et il développe plus loin : « Or le sexe n’est pas partout, pas plus d’ailleurs qu’il n’est nulle part. Il est dans le monde comme une des forces parmi des milliers d’autres. Il existe une énergie libidinale tout comme il y a une puissance spermatique des fleurs, une force génésique des astres, un tropisme de flux cosmiques, un magnétisme des vigueurs animales, le tout effectuant des variations sur l’unique force immatérielle et invisible »[9].
 
Joerg Bader
Curateur et directeur du Centre de la photographie Genève


[1] Alexei Grinbaum, Mécanique des étreintes, Éditions Les Belles Lettres, 2014, Paris, p. 89 
[2] Edward Frenkel, Amour et maths, Flammarion, Champs sciences, 2018, Paris, p. 291
[3] Jean-Pierre Vernant, L’Univers, les Dieux, les Hommes, Éditions du Seuil, Paris, 1999, pp. 15–22
[4] Jean-Pierre Vernant, L’Univers, les Dieux, les Hommes, Éditions du Seuil, Paris, 1999, pp. 25–26
[5] Voir la revue absolu, éditée par le chanteur Claude François qui parfois prête la main pour le travail de photographe « érotique ».
[6] C’est aussi le titre d’une exposition, une des premières à établir des relations d’âme sœur entre l’art moderne, surtout surréaliste, et l’art contemporain à partir d’Éros. Féminin/Masculin, montré au Centre Georges Pompidou à Paris en 1996, avait été organisé par Marie-Laure Bernadac et Bernard Marcadé.
[7] L’exposition inteRnatiOnale du Surréalisme a eu lieu à la Galerie Cordier, organisé par André Breton et avec des contributions de Marcel Duchamp dans l’exposition et dans le catalogue, Paris 1959–1960.
[8] Michel Onfray, Les Bûchers de Bénarès – Cosmos, Éros et Thanatos, Éditions Galilée, Paris, 2008, p. 66
 
[9] Idem. pp. 71–72

BARBARA WOLFF / NASA

OSMOSCOSMOS50JPG19.6–25.8.2019